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Les aventures de Minouche
6 janvier 2016

Maladie 6/366

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Ma mère est malade depuis longtemps. Elle a la scérose en plaques, une maladie du système nerveux qui évolue lentement mais qu'on ne soigne pas. On peut essaie de la ralentir, un peu, mais rien de plus.

Cela a été pour moi une souffrance constante, de voir le corps de ma mère se dégrader peu à peu, d'imaginer sa souffrance à elle, d'attendre le moment où elle n'aurait plus pu se déplacer seule, de la voir se battre, seule, de suivre pas à pas ses maux, d'écouter ce qu'elle avait à en dire, de lui en parler, d'y penser nuit et jour comme je pensais qu'elle le faisait, elle aussi.

Cela fait longtemps que je n'arrive à m'endormir qu'en lisant, pour éviter ce moment, entre l'éveil et le sommeil, où l'on pense. Penser, pour moi, c'était penser à elle. Je détestais aussi qu'on me réveille la nuit, parce qu'immédiatement et de manière presque automatique, je me mettais à penser à elle. Cela fait longtemps aussi que je prie le soir, pour elle, moi qui ne suis même pas sûre que Dieu existe.

En octobre dernier, ma mère a découvert qu'elle avait un cancer. Quand elle me l'a dit, au téléphone, j'étais en voiture. J'ai d'abord conduit jusqu'à une place que j'aime, puis j'ai envoyé un message à une amie et je suis rentrée à la maison. J'avais tellement froid que je suis entrée dans mon lit habillée, avec mon manteau en laine, et je tremblais encore. J'ai dit à cette même amie que je n'y arriverais pas, que ça, je n'allais pas le supporter, et je ne sais pas si elle s'en est rendu compte, mais ses quelques mots m'ont un peu sauvée; elle m'a dit "si, tu y arriveras, parce qu'on est programmés pour ça".

Alors je me suis relevée et j'ai pensée qu'il ne s'agissait pas de pleurer, qu'il fallait juste agir, être là, près d'elle, le plus possible. J'ai commencé à aller la voir à Turin, ce que je ne faisais jamais avant. Trois jours par-ci, trois jours par-là, dès que c'était possible. C'était compliquée, bien évidemment. C'est à ce moment là que je me suis rendu compte que Lily avait un emploi du temps de ministre, en dehors de l'école, qu'il fallait l'amener, la rechercher aux activités, qu'il fallait ramener Ben à la maison, que dans la nouvelle école je ne connaissais personne. Mes amies m'ont sauvée, encore une fois.

Au début, les nouvelles étaient catastrophiques. Et moi, fille unique de ma mère, je pensais, comment je vais vivre sans elle? Comment je ferai, le reste de ma vie, sans ma mère? Je pensais aussi que si elle devait souffrir, je voulais que ça aille vite. C'est une chance de perdre ses parents d'un coup, sans voir leur corps se défaire, sans voir la douleur, et la peur dans leurs yeux. Je pense que c'est une chance, même si ceux qui les ont perdus comme ça penseront peut-être que je me trompe.

Après, il y a eu une période plus calme. Ce n'était, pour finir, pas le type de cancer qu'ils avaient cru trouver au début. Grave, bien sûr, très étendu, mais un peu moins.

A Turin, quand j'y vais, je vais dormir chez mon père, dans cette petite chambre blanche. A la fin de journées tristes et difficiles psychologiquement, je suis heureuse d'y revenir. Avec un énorme sentiment de culpabilité, je dois dire que mes soirées sont belles: avec mon père, ma belle-mère, ma soeur, dans leur bel appartement, on mange et on reste longtemps à parler dans la cuisine. C'est doux et chaleureux, ça me guérit de la tristesse de la journée.

Aussi, j'ai retrouvé mon père, après toutes ces années.

(Reste le fait que je ne sais pas comment je vivrai, moi, quand elle ne sera plus là).

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